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CORRESPONDANCE

L’hiver sera bien gentil dans « ma localité ».

Sens-tu la beauté de Badinguet ? Je le trouve unique.

Je suis lieutenant, j’ai une milice et j’exerce mes hommes. Tout cela me fait vomir de dégoût, quand je ne pleure pas de rage.

Le pire, c’est que nous méritons notre sort et que les Prussiens ont raison, ou du moins ont eu raison.

Adieu, tâche d’avoir du courage. Quant à de l’argent, il me sera impossible de t’envoyer même 20 francs d’ici à longtemps. Ah ! ma maison est dans un joli état, car je ne t’ai pas dit que j’abrite tous mes parents de Champagne : 14 personnes à nourrir pour le quart d’heure, et depuis quelques jours quelques milliers de pauvres secouent la grille de mon jardin. N’importe ! il faut être philosophe et « blaguer tout de même » ! Candide est un beau livre.

Mes bons souvenirs à Mme Feydeau, bien que je maudisse et exècre de toutes les forces de mon âme son sexe enchanteur.

Ah ! sans les femmes !


1129. À SA NIÈCE CAROLINE.
Croisset, mardi soir [27 septembre 1870].
Mon pauvre Loulou,

Je suis remonté, car je suis résigné à tout ; je dis à tout : depuis dimanche, où nous avons appris les conditions que la Prusse voudrait nous imposer, rien que pour un armistice, il s’est fait un revire-