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DE GUSTAVE FLAUBERT.

1161. À MADAME ROGER DES GENETTES.
Neuville [près Dieppe], 30 mars 1871[1].

Il y a quinze jours je comptais être maintenant à Paris, mais « nos frères » en ont disposé autrement.

Je suis parti de Dieppe pour Bruxelles, croyant ne pas revoir les casques à pointe, car je devais retrouver ma famille dans la nouvelle Athènes, qui me semble descendre au-dessous du Dahomey ; mais j’ai su à Bruxelles que Paris était inhabitable. Ma mère et ma nièce sont revenues de Rouen à Dieppe ; j’y suis depuis avant-hier et samedi prochain je serai à Croisset, où je me résigne à rentrer. Vous seriez donc bien aimable, chère Madame, de m’y adresser un petit mot pour me dire ce que vous devenez. La tâche du général[2] est lourde. Sera-t-il obéi ? Là est tout le problème pour le moment. Car l’Internationale ne fait que commencer et elle réussira, pas comme elle l’espère ni comme le redoutent les bourgeois ; mais l’avenir (et quel avenir !) est de ce côté. À moins qu’une forte réaction cléricale et monarchique ne triomphe. Ce qui est également possible.

Ces misérables-là déplacent la haine ! On ne pense plus aux Prussiens. Encore un peu, et on va les aimer ! Aucune honte ne nous manquera.

  1. Neuville, canton de Dieppe, était la résidence de Mme Commanville. Quand Flaubert écrit qu’il va à Dieppe, il faut entendre Neuville.
  2. Le général Letellier-Valazé, frère de Mme Roger des Genettes.