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DE GUSTAVE FLAUBERT.

1181. À LA PRINCESSE MATHILDE.
Croisset, lundi soir [1 juin 1871].

Vous savez maintenant ce que signifiait mon télégramme, et vous devez comprendre quelle a été mon inquiétude ; c’est encore une amabilité des bons journaux. Je me doutais bien que la nouvelle était fausse et cependant une certaine angoisse m’oppressait. La vue de votre chère écriture m’a enlevé un poids de derrière le cœur.

Eh bien, Princesse, vos sinistres prédictions se trouvent démenties. La Commune de Paris, loin de s’étendre à toute la France, en est à ses dernières convulsions et, dans une huitaine de jours sans doute, on pourra rentrer dans cette ville maudite et adorée. Je n’ai pas envie de la revoir et, d’ici à longtemps probablement, les séjours que j’y ferai seront courts. J’ai bien envie de rendre mon petit logis à son propriétaire. Le voisinage de la rue de Courcelles me sera si pénible ! Mais d’ici au mois de janvier qui sait ce qui arrivera ?

Je continue à travailler au milieu de la tristesse affreuse où me plonge sans relâche la compagnie de ma mère. Dieu vous préserve de voir la dégradation physique et morale de ceux qui vous sont chers ! Ah quelles amertumes j’ai avalées depuis deux ans !

Je me propose comme une joie d’aller vous faire une forte visite au mois de juillet ou au mois d’août. Renoncez en ce moment à votre voyage d’Italie. La Fortune est changeante. Attendez. Je