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CORRESPONDANCE

pour des expressions poncives. Elles sont rares. N’importe ! Cela gâte un ensemble distingué.

Quant à la conduite du roman, je n’y vois rien à reprendre. Mais l’intérêt faiblit à partir de la mort de Robert… Tout le voyage en France, l’enterrement de Mme Robert, ses parents, son château, et ses amis, sont les parties les moins bonnes. La figure saillante du livre étant Robert, c’est sur elle qu’il fallait appuyer à la fin… j’aurais voulu plus de développements dans le combat où il est tué.

Il fallait rattacher à l’intrigue principale le capitaine envieux (Baltard) qui aurait fait pendant à l’oncle Bayah !… De même, j’aurais voulu voir dans une scène commune, la femme arabe et la femme européenne aux prises. C’est excellent, ce que vous dites (ou plutôt ce que vous montrez) de son ignorance. Pourquoi n’avez-vous pas appuyé sur ce côté-là, que vous savez et que vous sentez si bien ?

Le manuscrit de Robert est du même style que le reste du roman — ce qui est une faute — ou plutôt un défaut tenant au cadre même du livre.

Qu’aviez-vous besoin de ce manuscrit ? C’est un moyen usé.

Voilà ma critique finie. Si je vous estimais moins, elle eût été toute différente, ou plutôt je ne vous aurais envoyé que l’autre partie de mon appréciation, c’est-à-dire des éloges.

Vous avez la première de toutes les qualités pour un conteur, — le mouvement. Ça marche, et vous allez au but, à travers les descriptions, chose rare. Mais vous abusez parfois du dialogue, quand trois lignes de tournure indirecte pour-