Page:Flaubert Édition Conard Correspondance 6.djvu/431

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
425
DE GUSTAVE FLAUBERT.

doce vous réclame ? Il y a si longtemps que nous ne nous sommes vus ! J’ai des masses de choses à vous dire ; ce n’est pas plusieurs heures que j’espère vous consacrer, mais plusieurs très longues visites que je compte vous faire.

Je vous retrouve, dans toutes vos lettres, fière et vaillante, ou plutôt stoïque, chose rare par ce temps d’avachissement universel. Vous n’êtes pas comme les autres, vous ! (phrase de drame, mais appréciation juste.) Je ne sais pas ce que vous avez perdu au physique, mais le moral est toujours splendide, je vous en réponds.

Le mien, pour le moment, est assez bon, parce que je médite une chose où j’exhalerai ma colère. Oui, je me débarrasserai enfin de ce qui m’étouffe. Je vomirai sur mes contemporains le dégoût qu’ils m’inspirent, dussé-je m’en casser la poitrine ; ce sera large et violent. Je ne peux pas, dans une lettre, vous exposer le plan d’un pareil bouquin, mais je vous le lirai quand je vous aurai lu Saint Antoine. Car je vous promets de vous hurler ma dernière élucubration. Si vous ne pouvez monter toutes mes marches, pauvre chère malade, vous me donnerez asile chez vous, et là, portes closes, nous nous livrerons à une littérature féroce, comme deux fossiles que nous sommes. L’expression n’est pas polie envers une dame, mais vous comprenez ce que je veux dire.

En attendant ce jour-là, qui sera pour moi un grand jour, je me livre à l’Histoire des théories médicales et à la lecture des Traités d’éducation ; mais assez parlé de moi ! Causons un peu du P. Hyacinthe. C’est folichon ! Chagrin pour les bonnes âmes, réjouissance pour les libres pen-