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CORRESPONDANCE

droit où je me trouve, mais je tremble de plus en plus. J’ai beaucoup de mal à écrire, matériellement, et les sanglots m’étouffent. Il faut que je m’arrête. Quand donc cela finira-t-il ? Ah ! le chagrin me submerge, ma pauvre enfant ; mon cœur est plein, et pourtant je ne trouve rien à te dire.

Mes compagnons Pennetier[1] et Pouchet sont fort aimables. Nous prenons tous les jours des bains de mer ensemble.

4 heures.

Ta lettre de jeudi m’arrive et me fait beaucoup de bien. Pauvre Caro, comment peux-tu me recommander de ne pas penser à toi ! Je ne fais que ça, malheureusement.

Je crois cependant que Concarneau me fera du bien, ou du moins je veux l’espérer.

Ma faiblesse nerveuse m’étonne moi-même et m’humilie. Mais enfin je ne t’afflige plus par le spectacle de ma tristesse. Tu as assez de la tienne, pauvre enfant.

Oui, les deux jours passés à Deauville ont été durs, mais je me suis bien conduit : j’ai eu la force de dissimuler ce que j’éprouvais. Beaucoup de choses que je revois ici réveillent les souvenirs de mon voyage de Bretagne et ne me rendent pas gai.

Je me fais des raisonnements ; je me dis que l’avenir sera peut-être bon. Mais j’ai un fond de désespoir qui me remonte à la gorge bien vite.

  1. Le docteur Pennetier, directeur du Muséum de Rouen, mort en 1924.