Page:Flaubert Édition Conard Correspondance 7.djvu/328

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
322
CORRESPONDANCE

« Dans le grand blanc, le cadavre du Christ est dessiné par un linéament mince et souple et dominé par ses propres reliefs, sans nul effort de nuances, grâce à des écarts de valeurs imperceptibles. » Une merveille de précision et de profondeur ! — Le passage pages 189-191 mériterait d’être inscrit sur les murs, pour l’édification de tous ceux qui se sentent artistes. Il faut être d’une certaine force pour comprendre ce que vous dites sur l’insignifiance du sujet (p. 201 et suiv.). Rien n’est plus juste ! Mais c’est une vérité pure qui aura bien du mal à s’établir dans les caboches épicières et utilitaires de nos contemporains. Quel esthéticien vous faites ! Page 225 : « On se convaincrait… et qu’il y a de très grandes lois dans un petit objet, etc… » et page 235 : « L’individualisme des méthodes n’est à vrai dire que l’effort de chacun pour imaginer ce qu’il n’a point appris. La soi-disant originalité des procédés modernes cache au fond d’incurables malaises. » Sentences classiques ! Un peintre doublé d’un écrivain pouvait seul écrire la page 351 sur le clair obscur : « C’est la forme mystérieuse par excellence… » Quant à vos descriptions de tableaux, on les voit !

Enfin, mon cher ami, vous avez fait un livre qui m’a charmé et, comme j’ai la prétention de m’y connaître, je suis sûr qu’il est bon. Merci du cadeau. Je vous serre les mains fortement. Tout à vous.