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CORRESPONDANCE

elles languissent. Pendant quatre ans je serai encore très gêné, à moins que mon neveu ne trouve de l’argent. Mais le principal, c’est que, quoi qu’il advienne, je ne quitterai pas Croisset où je me plais de plus en plus. S’il le faut, j’abandonnerai plutôt mon logement de Paris, mais nous n’en sommes pas là. Du reste, j’ai pris depuis un an (non sans effort) l’habitude de ne plus m’inquiéter de l’avenir. Advienne que pourra ! Chaque jour suffit à sa tâche.

Je travaille démesurément, bien que la copie aille très lentement. Hérodias est maintenant à son milieu. Tous mes efforts tendent à ne pas faire ressembler ce conte-là à Salammbô. Que sera-ce ? Je l’ignore.

Je viens de lire la Correspondance de Balzac. Il en résulte que c’était un très brave homme et qu’on l’aurait aimé. Mais quelle préoccupation de l’argent et quel peu d’amour de l’Art ! Avez-vous remarqué qu’il n’en parle pas une fois ? Il cherchait la Gloire, mais non le Beau. Et il était catholique, légitimiste, propriétaire, ambitionnait la députation et l’Académie, avant tout ignorant comme une cruche, provincial jusque dans la moelle des os : le luxe l’épate. Sa plus grande admiration littéraire est pour Walter Scott. Au résumé, c’est pour moi un immense bonhomme, mais de second ordre. Sa fin est lamentable. Quelle ironie du sort ! Mourir au seuil du bonheur !

Cette lecture, du reste, est édifiante ; mais j’aime mieux la Correspondance de M. de Voltaire. L’ouverture du compas y est un peu plus large.

Que vous dirai-je encore ? Je me porte comme un chêne. Hier je me suis promené dans le bois