Page:Flaubert - Bouvard et Pécuchet, éd. Conard, 1910.djvu/304

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Un jour, ils se rendirent à la messe, puis y retournèrent. C’était une distraction au bout de la semaine. Le comte et la comtesse de Faverges les saluèrent de loin, ce qui fut remarqué. Le juge de paix leur dit, en clignant de l’œil :

— Parfait ! je vous approuve.

Toutes les bourgeoises, maintenant, leur envoyaient le pain bénit.

L’abbé Jeufroy leur fit une visite ; ils la rendirent, on se fréquenta ; et le prêtre ne parlait pas de religion.

Ils furent étonnés de cette réserve, si bien que Pécuchet, d’un air indifférent, lui demanda comment s’y prendre pour obtenir la foi.

— Pratiquez d’abord.

Ils se mirent à pratiquer, l’un avec espoir, l’autre par défi, Bouvard étant convaincu qu’il ne serait jamais un dévot. Un mois durant, il suivit régulièrement tous les offices ; mais, à l’encontre de Pécuchet, ne voulut pas s’astreindre au maigre.

Était-ce une mesure d’hygiène ? On sait ce que vaut l’hygiène ! Une affaire de convenances ? À bas les convenances ! Une marque de soumission envers l’Église ? Il s’en fichait également ! bref, déclarait cette règle absurde, pharisaïque, et contraire à l’esprit de l’Évangile.

Le vendredi saint des autres années, ils mangeaient ce que Germaine leur servait.

Mais Bouvard, cette fois, s’était commandé un beafsteck. Il s’assit, coupa la viande ; et Marcel le regardait scandalisé, tandis que Pécuchet dépiautait gravement sa tranche de morue.

Bouvard restait la fourchette d’une main, le couteau de l’autre. Enfin, se décidant, il monta