Page:Flaubert - Bouvard et Pécuchet, éd. Conard, 1910.djvu/307

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forte comme un valet de charrue et dévouée bien qu’irrespectueuse, elle s’introduisait dans les ménages, donnait des conseils, y devenait maîtresse. Pécuchet se fiait absolument à son expérience.

Une fois, elle lui amena un individu replet, ayant de petits yeux à la chinoise, un nez en bec de vautour. C’était M. Gouttman, négociant en articles de piété ; il en déballa quelques-uns, enfermés dans des boîtes, sous le hangar : croix, médailles et chapelets de toutes les dimensions, candélabres pour oratoires, autels portatifs, bouquets de clinquant, et des sacrés-cœurs en carton bleu, des saint Joseph à barbe rouge, des calvaires de porcelaine. Pécuchet les convoita. Le prix seul l’arrêtait.

Gouttman ne demandait pas d’argent. Il préférait les échanges, et, monté dans le muséum, il offrit, contre des vieux fers et tous les plombs, un stock de ses marchandises.

Elles parurent hideuses à Bouvard. Mais l’œil de Pécuchet, les instances de Reine et le bagout du brocanteur finirent par le convaincre. Quand il le vit si coulant, Gouttman voulut, en outre, la hallebarde ; Bouvard, las d’en avoir démontré la manœuvre, l’abandonna. L’estimation totale étant faite, ces messieurs devaient encore cent francs. On s’arrangea, moyennant quatre billets à trois mois d’échéance, et ils s’applaudirent du bon marché.

Leurs acquisitions furent distribuées dans tous les appartements. Une crèche remplie de foin et une cathédrale de liège décorèrent le muséum.

Il y eut sur la cheminée de Pécuchet un saint