Page:Flaubert - Bouvard et Pécuchet, éd. Conard, 1910.djvu/373

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La bête hideuse hurlait toujours, se jeta dans l’âtre, disparut, puis retomba au milieu des cendres, inerte.

C’était Victor qui avait commis cette atrocité, et les deux bonshommes se reculèrent, pâles de stupéfaction et d’horreur. Aux reproches qu’on lui adressa, il répondit comme le garde champêtre pour son fils et comme le fermier pour son cheval :

— Eh bien ! puisqu’il est à moi ; sans gêne, naïvement, dans la placidité d’un instinct assouvi.

L’eau bouillante de la marmite était répandue par terre ; des casseroles, les pincettes, et des flambeaux jonchaient les dalles.

Marcel fut quelque temps à nettoyer la cuisine, et ses maîtres et lui enterrèrent le pauvre chat dans le jardin, sous la pagode.

Ensuite Bouvard et Pécuchet causèrent longuement de Victor. Le sang paternel se manifestait. Que faire ? Le rendre à M. de Faverges ou le confier à d’autres serait un aveu d’impuissance. Il s’amenderait peut-être.

N’importe ! l’espoir était douteux, la tendresse n’existait plus. Quel plaisir que d’avoir près de soi un adolescent curieux de vos idées, dont on observe les progrès, qui plus tard devient un frère ; mais Victor manquait d’esprit, de cœur encore plus ! et Pécuchet soupira, le genou plié dans ses mains jointes.

— La sœur ne vaut pas mieux, dit Bouvard.

Il imaginait une fille de quinze ans à peu près, l’âme délicate, l’humeur enjouée, ornant la maison des élégances de sa jeunesse ; et comme s’il eût été