Page:Flaubert - Bouvard et Pécuchet, éd. Conard, 1910.djvu/46

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Mathieu de Dombasle, mais le charretier la dénigra.

— Apprends à t’en servir !

— Eh bien ! montrez-moi.

Il essayait de montrer, se trompait, et les paysans ricanaient.

Jamais il ne put les astreindre au commandement de la cloche. Sans cesse il criait derrière eux, courait d’un endroit à l’autre, notait ses observations sur un calepin, donnait des rendez-vous, n’y pensait plus, et sa tête bouillonnait d’idées industrielles. Il se promettait de cultiver le pavot, en vue de l’opium, et surtout l’astragale, qu’il vendrait sous le nom de « café des familles ».

Afin d’engraisser plus vite ses bœufs, il les saignait tous les quinze jours.

Il ne tua aucun de ses cochons et les gorgeait d’avoine salée. Bientôt la porcherie fut trop étroite. Ils embarrassaient la cour, défonçaient les clôtures, mordaient le monde.

Durant les grandes chaleurs, vingt-cinq moutons se mirent à tourner, et, peu de temps après, crevèrent.

La même semaine, trois bœufs expiraient, conséquence des phlébotomies de Bouvard.

Il imagina, pour détruire les mans, d’enfermer des poules dans une cage à roulettes, que deux hommes poussaient derrière la charrue ; ce qui ne manqua point de leur briser les pattes.

Il fabriqua de la bière avec des feuilles de petit-chêne et la donna aux moissonneurs en guise de cidre. Des maux d’entrailles se déclarèrent. Les enfants pleuraient, les femmes geignaient, les