Page:Flaubert - L’Éducation sentimentale éd. Conard.djvu/202

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

des apprentis, empêchaient l’encombrement des travailleurs, et le sentiment de la fraternité se trouvait entretenu par les fêtes, les bannières.

Hussonnet, comme poète, regrettait les bannières ; Pellerin aussi, prédilection qui lui était venue au café Dagneaux, en écoutant causer des phalanstériens34. Il déclara Fourier un grand homme.

— Allons donc ! dit Deslauriers. Une vieille bête ! qui voit dans les bouleversements d’empires des effets de la vengeance divine ! C’est comme le sieur Saint-Simon et son église, avec sa haine de la Révolution française : un tas de farceurs qui voudraient nous refaire le catholicisme !

M. de Cisy, pour s’éclairer, sans doute, ou donner de lui une bonne opinion, se mit à dire doucement :

— Ces deux savants ne sont donc pas de l’avis de Voltaire ?

— Celui-là, je vous l’abandonne ! reprit Sénécal.

— Comment ? moi, je croyais…

— Eh non ! il n’aimait pas le peuple !

Puis la conversation descendit aux événements contemporains : les mariages espagnols35, les dilapidations de Rochefort36, le nouveau chapitre de Saint-Denis37, ce qui amènerait un redoublement d’impôts. Selon Sénécal, on en payait assez, cependant !

— Et pourquoi, mon Dieu ? pour élever des palais aux singes du Muséum, faire parader sur nos places de brillants états-majors, ou soutenir, parmi les valets du Château, une étiquette gothique !