Page:Flaubert - L’Éducation sentimentale éd. Conard.djvu/378

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de sa capote, tout lui parut d’une splendeur extraordinaire. Une suavité infinie s’épanchait de ses beaux yeux ; et, balbutiant, au hasard, les premières paroles venues :

— Comment se porte Arnoux ? dit Frédéric.

— Je vous remercie !

— Et vos enfants ?

— Ils vont très bien !

— Ah !… ah… — Quel beau temps nous avons, n’est-ce pas ?

— Magnifique, c’est vrai !

— Vous faites des courses ?

— Oui.

Et avec une lente inclination de tête :

— Adieu !

Elle ne lui avait pas tendu la main, n’avait pas dit un seul mot affectueux, ne l’avait même pas invité à venir chez elle, n’importe ! il n’eût point donné cette rencontre pour la plus belle des aventures, et il en ruminait la douceur tout en continuant sa route.

Deslauriers, surpris de le voir, dissimula son dépit, car il conservait par obstination quelque espérance encore du côté de Mme Arnoux ; et il avait écrit à Frédéric de rester là-bas, pour être plus libre dans ses manœuvres.

Il dit cependant qu’il s’était présenté chez elle, afin de savoir si leur contrat stipulait la communauté ; alors, on aurait pu recourir contre la femme.

— Et elle a fait une drôle de mine quand je lui ai appris ton mariage.

— Tiens ! quelle invention !

— Il le fallait, pour montrer que tu avais