Page:Flaubert - L’Éducation sentimentale éd. Conard.djvu/408

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Puis, des moments de calme survenaient.

Elle alla chercher des joujoux, un polichinelle, une collection d’images, et les étala sur son lit, pour le distraire. Elle essaya même de chanter.

Elle commença une chanson qu’elle lui disait autrefois, quand elle le berçait en l’emmaillottant sur cette même petite chaise de tapisserie. Mais il frissonna dans la longueur entière de son corps, comme une onde sous un coup de vent ; les globes de ses yeux saillissaient : elle crut qu’il allait mourir, et se détourna pour ne pas le voir.

Un instant après, elle eut la force de le regarder. Il vivait encore. Les heures se succédèrent, lourdes, mornes, interminables, désespérantes ; et elle n’en comptait plus les minutes qu’à la progression de cette agonie. Les secousses de sa poitrine le jetaient en avant comme pour le briser ; à la fin, il vomit quelque chose d’étrange, qui ressemblait à un tube de parchemin. Qu’était-ce ? Elle s’imagina qu’il avait rendu un bout de ses entrailles. Mais il respirait largement, régulièrement. Cette apparence de bien-être l’effraya plus que tout le reste ; elle se tenait comme pétrifiée, les bras pendants, les yeux fixes, quand M. Colot survint. L’enfant, selon lui, était sauvé.

Elle ne comprit pas d’abord, et se fit répéter la phrase. N’était-ce pas une de ces consolations propres aux médecins ? Le docteur s’en alla d’un air tranquille. Alors, ce fut pour elle comme si les cordes qui serraient son cœur se fussent dénouées.

— Sauvé ! Est-ce possible !

Tout à coup l’idée de Frédéric lui apparut d’une façon nette et inexorable. C’était un avertissement de la Providence. Mais le Seigneur,