Page:Flaubert - L’Éducation sentimentale éd. Conard.djvu/434

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— N’est-ce pas, hein ? dit M. Dambreuse, survenu sur cette parole et s’imaginant qu’elle concernait non la peinture, mais la doctrine glorifiée par le tableau.

Martinon arriva au même moment. Ils passèrent dans le cabinet ; et Frédéric tirait un papier de sa poche, quand Mlle Cécile, entrant tout à coup, articula d’un air ingénu :

— Ma tante est-elle ici ?

— Tu sais bien que non, répliqua le banquier. N’importe ! faites comme chez vous, mademoiselle.

— Oh ! merci ! je m’en vais.

À peine sortie, Martinon eut l’air de chercher son mouchoir.

— Je l’ai oublié dans mon paletot, excusez-moi !

— Bien ! dit M. Dambreuse.

Évidemment, il n’était pas dupe de cette manœuvre, et même semblait la favoriser. Pourquoi ? Mais bientôt Martinon reparut, et Frédéric entama son discours. Dès la seconde page, qui signalait comme une honte la prépondérance des intérêts pécuniaires, le banquier fit la grimace. Puis, abordant les réformes, Frédéric demandait la liberté du commerce.

— Comment… ? mais permettez !

L’autre n’entendait pas, et continua. Il réclamait l’impôt sur la rente, l’impôt progressif, une fédération européenne, et l’instruction du peuple, des encouragements aux beaux-arts les plus larges.

« Quand le pays fournirait à des hommes comme Delacroix ou Hugo cent mille francs de rente, où serait le mal ? »