Page:Flaubert - L’Éducation sentimentale (1891).djvu/293

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cendant une fois jusqu’au bas de la page, il continua d’une haleine :

— « Jacques Arnoux, éditeur. — Un de tes amis, hein ? »

— « C’est vrai », dit Frédéric, blessé par son air.

Mme Dambreuse reprit :

— « En effet, vous êtes venu, un matin… pour… une maison, je crois ? oui, une maison appartenant à sa femme. » (Cela signifiait : « C’est votre maîtresse. » )

Il rougit jusqu’aux oreilles ; et M. Dambreuse, qui arrivait au même moment, ajouta :

— « Vous paraissiez même vous intéresser beaucoup à eux. » Ces derniers mots achevèrent de décontenancer Frédéric.

Son trouble, que l’on voyait, pensait-il, allait confirmer les soupçons, quand M. Dambreuse lui dit de plus près, d’un ton grave :

— « Vous ne faites pas d’affaires ensemble, je suppose ? »

Il protesta par des secousses de tête multipliées, sans comprendre l’intention du capitaliste, qui voulait lui donner un conseil de sembler lâche. Il avait envie de partir. La peur le retint. Un domestique enlevait les tasses de thé ; Mme Dambreuse causait avec un diplomate en habit bleu, deux jeunes filles, rapprochant leurs fronts, se faisaient voir une bague ; les autres, assises en demi-cercle sur des fauteuils, remuaient doucement leurs blancs visages, bordés de chevelures noires ou blondes ; personne enfin ne s’occupait de lui. Frédéric tourna les talons ; et, par une suite de longs zigzags, il avait presque gagné la porte, quand, passant près d’une console, il remarqua dessus, entre un vase de Chine et la boiserie, un journal plié en deux. Il le tira quelque peu, et lut ces mots : le Flambard.

Qui l’avait apporté ? Cisy ! Pas un autre évidemment. Qu’importait, du reste ! Ils allaient croire, tous déjà