Page:Flaubert - L’Éducation sentimentale (1891).djvu/503

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Rosanette demeura immobile, stupéfiée par ces façons extraordinaires. Elle laissa même la porte se refermer ; puis, d’un bond, elle le rattrapa dans l’antichambre, et, l’entourant de ses bras :

— « Mais tu es fou ! tu es fou ! c’est absurde ! je t’aime ! » Elle le suppliait : « Mon Dieu, au nom de notre petit enfant ! »

— « Avoue que c’est toi qui as fait le coup ! » dit Frédéric.

Elle protesta encore de son innocence.

— « Tu ne veux pas avouer ? »

— « Non ! »

— « Eh bien, adieu ! et pour toujours ! »

— « Écoute-moi ! »

Frédéric se retourna.

— « Si tu me connaissais mieux, tu saurais que ma décision est irrévocable ! »

— « Oh ! oh ! tu me reviendras ! »

— « Jamais de la vie ! »

Et il fit claquer la porte violemment.

Rosanette écrivit à Deslauriers qu’elle avait besoin de lui tout de suite.

Il arriva cinq jours après, un soir ; et, quand elle eut conté sa rupture :

— « Ce n’est que ça ! Beau malheur ! »

Elle avait cru d’abord qu’il pourrait lui ramener Frédéric ; mais, à présent, tout était perdu. Elle avait appris, par son portier, son prochain mariage avec Mme Dambreuse.

Deslauriers lui fit de la morale, se montra même singulièrement gai, farceur ; et, comme il était fort tard, demanda la permission de passer la nuit sur un fauteuil. Puis, le lendemain matin, il repartit pour Nogent, en la prévenant qu’il ne savait pas quand ils se reverraient d’ici à peu, il y aurait peut-être un grand changement dans sa vie.

Deux heures après son retour, la ville était en révo-