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qui voudraient venir. C’est un pays blanchâtre, tout plein de précipices, immobile et ravagé. Le ciel noir s’étend sur la vallée où les ossements des voyageurs s’égrènent en poussière… Je t’y conduirai, Antoine, et les portes d’elles-mêmes s’ouvriront : tu humeras la vapeur chaude des mines, tu descendras dans les souterrains.

ANTOINE

Oh ! non ! non ! c’est comme si la terre m’écrasait ! j’étouffe…

Il relève le front vers le ciel.
LE PHÉNIX, qui plane, s’arrête : il a de grandes ailes d’or, des rayons lui sortent des yeux.

Je traverse les firmaments, j’effleure les plages où je vais becquetant des étoiles, et je trottine, du bout de mes pattes, sur la voie lactée, comme une poule qui saute parmi des grains d’avoine.

Quand je veux dormir, je me couche dans la lune, en courbant mon corps selon sa forme ovale. D’autres fois, je la prends à mon bec et, à grands coups d’aile, je la traîne par les espaces. C’est alors qu’elle court si vite, descendant les vallées, sautant les ruisseaux, cabriolant sur les bois, comme une chèvre qui vagabonde dans la vaste plaine bleue.

Mais quand la flamme des soleils ne peut plus