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XIII
préface

1857, qui fut celle du procès, il en fit paraitre dans L’Artiste, alors dirigé par son ami Théophile Gautier, plusieurs fragments très importants : le festin de Nabuchodonosor, l’arrivée de la Reine de Saba, Apollonius de Tyane, le Sphinx et la Chimère, les Bêtes fabuleuses. L’accueil ne paraît pas avoir été très chaleureux et, comme personne ne témoignait le désir de voir le reste, Flaubert se le tint décidément pour dit. Le manuscrit de Saint Antoine dormit[1] douze ans dans ses cartons, jusqu’en 1869, après l’achèvement de L’Éducation sentimentale.

Il se dédommagea de ce contre-temps et de ces mécomptes en déversant dans Salammbô la fureur lyrique qui l’oppressait. À tout prix, il voulait sortir du monde moderne qui — disait-il — lui « puait étrangement au nez », et, comme il ne pouvait s’en évader par Alexandrie et la Thébaïde, il se réfugia dans Carthage. Cette Carthage du IIIe siècle, c’était encore l’antiquité et c’était encore l’Afrique. Or, Flaubert aimait passionnément l’une et l’autre[2].

  1. Il ne faudrait pas prendre cette expression au pied de la lettre. Dans l’intervalle de 1857 à 1869, Flaubert revit maintes fois son manuscrit et ses brouillons, — comme nous l’avons dit plus haut.
  2. Sur cette prédilection de Flaubert pour l’Afrique, voir notre étude : « Flaubert et l’Afrique », parue dans La Revue de Paris, le 1er avril 1900.