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XVI
préface

à pouvoir comparer les deux formes, à suivre la pensée du maître à travers ses évolutions, à assister, pour ainsi dire, phrase par phrase, au travail passionné et méticuleux du styliste admirable que fut Gustave Flaubert ?

Ajoutons qu’il y a, dans cette première version, des « morceaux » entiers qui ne devaient point périr, qui dureront certainement autant que la langue et dont la beauté est au moins égale à celle de la Tentation définitive. Et puis enfin, cette œuvre de jeunesse — bonne ou mauvaise — nous révèle à plein une nature d’homme et d’artiste que nous ne faisions que deviner à travers sa correspondance. Ceux qui ont gémi sur l’acharnement de Flaubert à comprimer et à cacher son vrai « moi » seront peut-être heureux de le trouver ici plus étalé et plus à découvert. Chez lui, le fond originel était extrêmement riche. Il faut le reconnaître, à mesure qu’il vieillissait, son esprit s’est sans doute affermi dans ses tendances les plus sérieuses et les plus positives, mais bien des idées et des sentiments qui furent familiers à Flaubert adolescent — un certain mysticisme même — ont totalement disparu chez l’ironiste morose qui écrivit Bouvard et Pécuchet.

Et ainsi le Saint Antoine que nous publions n’est point une simple variante de l’autre. C’est,