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XXVII
préface

principe absolu. L’artiste, dans son œuvre, doit être comme Dieu dans la création. Mais Dieu n’a jamais conclu, Dieu n’a pas révélé son dernier mot. En conséquence, l’artiste se bornera à dessiner en toute conscience les formes qui passent sous ses yeux — en d’autres termes : — à représenter.

L’artiste moderne représentera donc ce qu’il voit, ce qu’il pressent. Or, Flaubert, en regardant l’humanité, constate que tout ce qui fut réputé le Mal, l’Erreur et la Laideur aux siècles de Foi, d’Héroïsme et de Beauté, est en train de s’épanouir sur la face du monde… Dans le langage toujours un peu débraillé de sa correspondance ou de sa conversation, il divisait sommairement l’histoire en trois grandes périodes : « Paganisme, — christianisme, — mufflisme ! » Nous voici à la troisième étape ! Le délire de la science produit dans les cerveaux débiles de la masse une stupidité et une intolérance cent fois pires que les dogmatismes les plus étroits du passé. L’homme, dans la démence de sa vanité, se fait le centre des choses, — il s’adore lui-même, et l’abjection de son égoïsme va le ravaler au niveau de la brute. La folie dégradante de l’égalité tue les aristocraties naturelles. Les hautes facultés qui élaboraient autrefois la culture, qui portaient la raison et la beauté