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XXIX
préface

cette date, son cœur, non plus que sa raison, n’est avec l’anachorète. Certes, il ne fut jamais, à aucune époque de sa vie, ce qui s’appelle un homme religieux. Sa piété d’enfant ne parait pas avoir été bien fervente. L’exemple de sa famille — de sa mère elle-même élevée dans l’incrédulité du xviiie siècle — ne le poussait guère à la religion. Mais ses lectures assidues des Pères de l’Église et des hagiographes entretinrent en lui une sorte de sympathie fraternelle pour tous les solitaires et pour tous les héros de la vie intérieure. L’austérité presque monacale de son existence le rapprochait d’eux. Comme eux encore, le penchant le plus vif de sa nature le portait à la contemplation. Ces dispositions — nous le savons par sa nièce — persistèrent en lui jusqu’à la veille de sa mort. Mais chez le jeune écrivain du premier Saint Antoine, il y avait quelque chose de plus. Était-ce l’influence du néo-catholicisme qui flottait, pour ainsi dire, dans l’air de ce temps-là, ou bien sa sensibilité encore neuve s’ouvrait-elle plus facilement aux émotions religieuses ? Toujours est-il que dans le premier Saint Antoine — bien loin de s’attacher exclusivement, comme dans l’autre, aux contradictions et aux absurdités du dogme — il a permis à la foi de l’ascète de parler son vrai langage. La spiritualité chrétienne s’y traduit avec une