Page:Flaubert - La Première Tentation de Saint Antoine, éd. Bertrand, 1908.djvu/93

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
47
première version

est debout dans l’île de Tibre. Je suis la Force, la Beauté le Maître ! Ennoïa est Minerve. Je suis Apollon dieu du jour ! Je suis Mercure le Bleu ! Je suis Jupiter le Foudroyant ! Je suis le Christ ! Je suis le Paraclet ! Je suis le Seigneur ! Je suis ce qui est en Dieu ! Je suis Dieu même !

ANTOINE

Ah ! si j’avais de l’eau bénite !

Le feu s’éteint. Ennoïa jette un cri aigu et disparaît avec Simon.
ANTOINE haletant, regarde autour de lui.

Non !… plus rien !… ah !

Il s’essuie le front sur sa manche.

Oh ! comme ces flammes couraient !…

Il ricane.

Allons donc ! Quelles illusions ! l’Esprit de Dieu ne descend pas jusque-là ! Et l’âme une fois rivée au mal, il n’est plus quoi qu’ils disent…

Cependant… si, par un effort suprême, elle secouait ce fardeau de la matière qui l’écrase… pourquoi ne remonterait-elle pas à Dieu ?… Et alors… l’intervalle de la vie disparaissant… toutes les œuvres qu’elle comporte se trouveraient indifférentes.

Aussitôt apparaissent les Elxaïtes, couverts de grands manteaux violets
et la figure cachée sous des masques de bêtes fauves.