Page:Flaubert - Madame Bovary, Conard, 1910.djvu/202

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monsieur vêtu d’une redingote de velours vert. Il était ganté de gants jaunes, quoiqu’il fût chaussé de fortes guêtres ; et il se dirigeait vers la maison du médecin, suivi d’un paysan marchant la tête basse d’un air tout réfléchi.

— Puis-je voir Monsieur ? demanda-t-il à Justin, qui causait sur le seuil avec Félicité.

Et, le prenant pour le domestique de la maison :

— Dites-lui que M. Rodolphe Boulanger, de la Huchette, est là.

Ce n’était point par vanité territoriale que le nouvel arrivant avait ajouté à son nom la particule, mais afin de se faire mieux connaître. La Huchette, en effet, était un domaine près d’Yonville, dont il venait d’acquérir le château, avec deux fermes qu’il cultivait lui-même, sans trop se gêner cependant. Il vivait en garçon, et passait pour avoir au moins quinze mille livres de rentes !

Charles entra dans la salle. M. Boulanger lui présenta son homme, qui voulait être saigné, parce qu’il éprouvait des fourmis le long du corps.

— Ça me purgera, objectait-il à tous les raisonnements.

Bovary commanda donc d’apporter une bande et une cuvette, et pria Justin de la soutenir. Puis, s’adressant au villageois déjà blême :

— N’ayez point peur, mon brave.

— Non, non, répondit l’autre, marchez toujours !

Et, d’un air fanfaron, il tendit son gros bras. Sous la piqûre de la lancette, le sang jaillit et alla s’éclabousser contre la glace.

— Approche le vase ! exclama Charles.