Page:Flaubert - Notes de voyages, I.djvu/185

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biceps naissants. Il a ôté sa manche gauche ; de cette façon il était drapé sur tout le côté droit, avait le côté gauche et une partie du ventre à découvert. Taille mince. Plis du ventre qui remuaient et descendaient, quand il se baissait sur son aviron. Sa voix était vibrante en chantant « el naby, el naby ». C’est là un produit de l’eau, du soleil des tropiques, et de la vie libre ; il était plein de politesses enfantines : il m’a donné des dattes et relevait le bout de ma couverture qui trempait dans l’eau.

Sur des rochers plusieurs gypaètes étaient posés ; au bas d’un rocher, à gauche en allant à la cataracte, un vieux crocodile échoué. Le soir nous avons revu les mêmes gypaètes et, de plus, avec eux un chacal qui s’est enfui à notre approche.

J’arrive au pied de Djebel-Abousir à 9 heures, et je tire de nombreux coups de fusil pour appeler Maxime. De loin un rocher noir, brillant au soleil, me fait l’effet d’un Nubien en chemise blanche, posté en vigie, ou d’un morceau de linge blanc qui sèche. Comment ce qui est noir peut-il ainsi arriver à paraître blanc ? c’est quand le soleil éclaire le tranchant d’un angle. J’ai plusieurs fois observé ce même effet, et Gibert m’a dit, à Rome, l’avoir remarqué également.

Je déjeune sous la pente de la tente, en plein soleil. Je m’étais couché par terre pour chercher un peu d’ombre, mais l’ombre n’a pas tardé à s’en aller.

Promenade autour des deux pics voisins, la tente était devant eux, en avant de la cataracte (c’est-à-dire du flanc de la cataracte). Au détour du premier pic, du côté du désert, grand mouvement de sable ondulé ; les cataractes sont au bout,