Page:Flaubert - Notes de voyages, I.djvu/216

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à regarder le monde, un enterrement passe sur la place.

Four à poulets. — C’est une longue galerie voûtée, ayant des fours latéraux que l’on chauffe sur les quatre côtés dans des espèces de petites rigoles. Au milieu, correspondant à la lumière de la voûte (trou par lequel arrive le jour de l’air), est un trou. Sous le four sont placés les œufs, ils restent là quatorze jours ; le quatorzième jour on les met sur le four jusqu’au vingt-deuxième, où ils éclosent. Un tas de poulets grouillent par terre, cela ondule comme de la vermine blanche et jaune ; on les balaye à coups de pied pour que nous ayons de la place.

Cela me fait un effet étrange de corruption, et une des choses qui m’ont le plus étonné de ma vie, comme factice remplaçant l’organique : l’homme ici crée en quelque sorte.

Vendredi 26 avril. — Couvent copte des Martyrs : mauvais temps ; nous allons au couvent des Martyrs, à une lieue d’Esneh, à travers des champs de blé où nous tournons. Un chien d’Herment, hérissé, à poils longs, aboie sur le mur. Joseph frappe à la porte avec un caillou ; un frère copte vient nous ouvrir. Dans le corridor couvert qui mène à une cour, un petit ânon. Le couvent se compose d’une série de pièces quadrilatérales, voûtées en dôme ; le jour tombe d’un trou par en haut, le sol recouvert partout de nattes de palmier. Partie romane très ancienne, grands cubes qui ont l’air de tombeaux. — Une colonne en fer sur laquelle on pose l’évangile. — Chaire à prêcher fruste, dans un coin. — Aspect mystérieux et caché, le tout vu par un demi-jour. — Deux vieillards,