Page:Flaubert - Notes de voyages, II.djvu/56

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lure, dont les anneaux tombant me rappellent ceux des perruques Louis XIV : c’est, comme danse, un souvenir lointain des danses d’Égypte. En somme, ce fut pour nous une des plus affreuses journées de notre voyage.

Autre excursion à Galata, chez une vieille femme. Ameublement de quartiers maritimes, une caricature sur Louis-Philippe ; négresses dégoûtantes, en robe européenne noire, trouée ; une énorme, qui était au bain et qui arrive couverte de fourrures. Mais dans une chambre plus propre et mieux meublée était enfermée Rosa, fille de la maîtresse de la maison, blanche, châtaine, avec de la dentelle dans les cheveux, à l’espagnole, casaquin de soie noire qui lui serrait la taille. — Les rues de Galata sont profondes comme mœurs et couleur : lumière noire, ruelles sales, fenêtres donnant sur des arrière-cours d’où sort le son aigre d’une mandoline ou d’un violon ; çà et là, à la fenêtre ou sur le seuil de la porte, une sale mine de p....., habillée à l’européenne et coiffée à la grecque ; envahissement de la gravure polissonne des Héloïse et des Abeilard. L’émancipation de la femme en Orient entrerait-elle par le chic Faublas ? — Importance du ballet. — Dans cent ans le harem sera aboli en Orient, l’exemple des femmes européennes est contagieux, un de ces jours elles vont se mettre à lire des romans. Adieu la tranquillité turque ! tout craque de vétusté, partout.

Samedi 30, — Adieux à la bande Saulcy, à bord du Lloyd.

Dimanche 1er. — Visite chez Artim-bey, à Kouroutschermé. — Les maisons arméniennes peintes de couleur sombre, grises, noires, ou brun tabac ;