Page:Flaubert - Par les champs et par les grèves.djvu/113

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sions partis tout de suite pour Belle-Isle ; mais on attendait la poste d’Auray. Assis dans la cuisine de l’auberge, en chemise et les bras nus, les marins de passage patientaient en buvant chopine.

— À quelle heure arrive-t-elle donc la poste d’Auray ?

— C’est selon ; à dix heures d’ordinaire, répondit le patron.

— À midi, fit M. de Rohan.

— À une heure.

— À une heure et demie.

— Souvent elle n’est pas ici avant deux heures.

— C’est pas régulier !

Nous en étions convaincus, il en était trois.

On ne pouvait partir avant l’arrivée de ce malencontreux courrier qui apporte pour Belle-Isle les dépêches de la terre ferme. Il fallait se résigner. On allait sur le devant de la porte, on regardait dans la rue, on rentrait, on ressortait. « Ah ! il ne viendra pas aujourd’hui. — Il sera resté en route. — Faut nous en aller. — Non, attendons-le. — Si ces messieurs s’ennuient trop après tout… — Au fait, peut-être n’y a-t-il pas de lettres ? — Non, encore un petit quart d’heure. — Ah ! c’est lui ! » Ce n’était pas lui, et le dialogue recommençait.

Enfin, un trot de cheval fatigué qui bat le briquet, un bruit de grelots, un coup de fouet, un homme qui crie : « Ho ! ho ! voilà la poste ! voilà la poste ! »

Le cheval s’arrêta net à la porte, rentra son