Page:Flaubert - Par les champs et par les grèves.djvu/225

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carte, atteignîmes notre compas, et, nous orientant d’après le coucher du soleil, nous résolûmes de piquer sur Daoulas à vol d’oiseau. Donc la vigueur nous revint aux membres et nous nous lançâmes dans les champs, à travers les haies, par-dessus les fossés, abattant, renversant, bousculant, cassant tout, sans souci aucun des barrières restant ouvertes et des récoltes endommagées.

Au haut d’une pente, nous aperçûmes le village de l’Hôpital couché dans une prairie où passait une rivière. Un pont la traverse ; sur ce pont, il y a un moulin qui tourne ; après la prairie, une colline remonte ; nous la gravissions gaillardement quand, sur le talus d’un haut bord, à la lueur d’un rayon du jour, entre les pieds d’une haie vive, nous avons vu une belle salamandre noire et jaune qui s’avançait de ses pattes dentelées et traînait sur la poussière sa longue queue mince remuant aux ondulations de son corsage tacheté. C’était son heure ; elle sortait de sa caverne qui est au fond de quelque gros caillou enfoui sous la mousse et s’en allait faire la chasse aux insectes dans le tronc pourri des vieux chênes.

Un pavé à pointes aiguës sonna sous nos pas, une rue se dressa devant nous ; nous étions à Daoulas. Il faisait encore assez clair pour distinguer à une des maisons une enseigne carrée pendue à sa barre de fer scellée dans la muraille. Sans enseigne, d’ailleurs, nous aurions bien reconnu l’auberge, les maisons ayant ainsi que les hommes leur métier écrit sur la figure. Donc,