Page:Flaubert - Théâtre éd. Conard.djvu/286

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Infortunés ! vous êtes convaincus d’attentat contre la redingote et le pot-au-feu !

Les bourgeois, ricanant.

Ah ! ah ! ces messieurs n’en voulaient pas !

Le grand pontife.

De dédain pour l’Épicerie, de sentiments, idées, paroles, manières et costumes bizarres, en un mot d’excentricité !

Une voix.

La guillotine !

Le grand pontife.

Non, Messieurs ! Grâce au ciel, nos mœurs sont plus douces ! Nous ne demandons, misérables ! qu’à vous lessiver par le châtiment, à vous purifier par le remords, et même, nous voudrions que plus tard, si c’est possible, à force de bonne conduite, vous vous réhabilitassiez ! Le bouillon que vous avez rejeté, on vous l’ingurgitera de force, mais plus clair ; les murs de votre appartement seront embellis par des inscriptions morales, et ce sera, au lieu d’apprivoiser des araignées, votre distraction unique !

Les prisonniers s’agitent en remuant leurs bras
à travers les barreaux.

Je n’ai pas fini ! La juste fureur du peuple veut, puisque vous ne pouvez à présent nous faire aucun mal, que je vous assomme ainsi en vous disant un tas de choses ! Donc on tentera sur vous des expériences !…

Un petit râle se fait entendre à toutes les horloges au-dessus des portes, et huit heures sonnent. Au premier coup, tous les bourgeois tirent leur bonnet de coton de leur poche et le mettent sur leur tête. Le Grand Pontife s’interrompt subitement et se coiffe du sien en même temps.

L’heure de se coucher ! À demain !

Tous les bourgeois rentrent chez eux.