Page:Fleuriot - Mon sillon.djvu/152

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

146
mon sillon.

ter l’écorce fatale du laurier et dont le beau visage douloureux levé vers le ciel s’empreint d’une indescriptible angoisse. Ce rendez-vous a quelque chose de solennel quand le jardin commence à devenir un peu désert. Autrement, on est distrait par les mille incidents ordinaires. Tantôt, je n’ai pas pu m’empêcher de sourire en apercevant, arrêtée devant un de ces beaux désespérés, une blonde petite fille aux joues roses et bien pleines. Elle mangeait à belles dents sa brioche en regardant d’un œil bleu très-compatissant le sombre Ugolin, qui enfonce dans sa bouche crispée par les tortures de la faim ses poings musculeux. J’ai cru deviner qu’elle aurait bien partagé sa brioche avec le malheureux enfant de marbre dont la figure est si hâve et qui embrasse avec un désespoir si vrai les genoux de son père. Plus loin, des garçonnets faisaient la nique à Spartacus, une ronde folle entourait le Laocoon, de gros hommes lisaient bien paisiblement leur journal, sans être troublés par les gémissements de Daphné, et les bonnes caquetaient joyeusement entre elles. Et les désespérés qui passaient, il y a toujours des désespérés dans une pareille foule, n’honoraient pas même d’un