Page:Fleury - Marivaux et le Marivaudage, 1881.djvu/366

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glorieuse avec mes rivales, la folie des paroles en devisant, et les mains qu'on baise ?…

MADAME LÉPINE

Sans doute !

CATHOS

Et l'argent aussi ?

MADAME LÉPINE

Oui, suivant tes moyens.

CATHOS

Et l'honneur de La Ramée pour notaire ?

MADAME LÉPINE

Il n'y a nulle différence, sinon qu'il te sera permis d'être jalouse jusqu'à décoiffer tes rivales.

CATHOS

Ha ! les masques… je vous les détignonnerai1.

MADAME LÉPINE

Et que tu observeras de tutoyer La Ramée, comme il te tutoiera lui-même ; c'est l'usage. Adieu, le voilà qui vient, je te laisse.


Scène XIX

CATHOS, LA RAMÉE


LA RAMÉE, en l'abordant.

Mon épître et point de quartier.

CATHOS

Oh ! dame, passez-vous-en, mon cher homme ; je ne sais faire que des pieds de mouche, et j'aime mieux vous donner mon écriture en paroles ; il n'y a pas tant de façon. Votre billet est bien troussé, il m'a été fort agréable ; c'est bien fait de me l'avoir mandé. Il dit que ma mine vous a filouté, j'en suis bien aise ; c'est queussi, queumi2. Vous demandez la jouissance de mon cœur, et vous l'aurez. Es-tu content, mon mignon ?

LA RAMÉE

Comblé, m'amie ! je vois bien que tu m'aimes, ma petite merveille.

CATHOS

Si je t'aime ? pour qui me prends-tu donc ? est-ce que tu crois que l'amour me fait peur ? oh que nenni ! je t'aime comme une étourdie ; je ne sais à qui le dire.

LA RAMÉE

Je me reconnais au désordre de ta tête : il est digne de mon mérite, et tu me ravis… Tu vaux ton pesant d'or.

CATHOS, lui tendant la main.

Quand tu voudras baiser ma main, ne t'en fais point faute. Est-ce la droite ? est-ce la gauche ? prends, on sait bien que ce n'est que des mains.

LA RAMÉE

Tu me les donnes à si bon marché que je les prendrai toutes deux.