Page:Floréal (journal hebdomadaire) du 2 juin 1923.djvu/6

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— Ah ! si Choucoune avait été fidèle
— Nous restämes à causer longtemp
Au point que les oiseaux dans les bois en parurent contents ;
Plutôt oublier cela, c’est une trap gramde peine
Car depuis ce jour-là, mes deux pieds sont dans les chaînes ! (bis)

Les petites dents de Choucoune sont blanches comme du lait ;
Sa bouche est de la couleur de la caïmitte : [1]
Elle n’est pas une grosse femme, elle est grassette :
Les femmes pareilles me plaisent tout de suite…
Le temps passé n’est pas le temps actuel !
Les oiseaux avaient entendu tout ce qu’elle ne dit.
S’ils songent à cela, ils doivent être dans la tristesse,
Car depuis ce jour-là, mes deux pieds Sont dans les chaînes ! (bis)

Nous allâmes à la casa de sa maman ;
— Une vieille qui-est bien honnête !
Aussitôt qu’elle me vit, elle dit :
« Ah ! je suis contente de celui-là, nettement ! »
Nous bümes du chocolat aux noix…
Est-ce que tout cela « est fini, petits oiseaux des bois ?
-— Plutôt oublier cela, c’est une trop grande peine,
Car depuis ce jour-là, mes deux picds sont dans les chaînes ! (bis)

Les meubles étaient prêts : beau lit-bateau,
Chaise de rotin, table ronde, dodine,
Deux matelas, un porte-manteau,
Des nappes, des serviettes, des rideaux de mousseline !
Il ne restait plus que quinze jours…
Petits oiseaux qui êtes dans les bois, écoutez-moi, écoutez !…..
Vous aussi vous allez comprendre si je suis dans le chagrin,
Si depuis ce jour-là, mes deux pieds sont dans les chaînes ! (bis)

Voilà qu’un petit blanc arrive :
Petite barbe rouge, belle figure rose,
Montre au côté, beaux cheveu :
— Mon malheur, c’est lui qui en est la cause !
Il trouve Choucoune jolie ;
Il parle français, Choucoune l’aime…
Plutôt oublier cela, c’est une trop grande peine,
Choucoune me quitte, mes deux pieds sont dans les chaînes (bis).

Le plus triste de tout cela,
Ce qui va surprendre tout le monde,
C’est de voir que, malgré ce contre-temps-là.
J’aime toujours Choucoune !
— Elle va faire un petit quarteron !
Petits oiseaux regardez ! Son petit ventre est bien rond !….
Taisez-vous ! Fermez vos becs ! C’est une trop grande peine !
Les deux pieds de petit Pierre, ses deux pieds sont
dans les chaînes !

Choucoune qui se chante et se danse fait le nom Oswald Durand « plus fort que les airains » : ce « frisson nouveau, », dont il à « doté le ciel de l’art », le sauvera, chez nous tout au moins, du dédain des générations successives, si plusieurs de ses poèmes d’expression française lui méritent de prendre définitivement rang parmi les bons porte-lyre du xix° siècle.

LOUIS MOREAU.


Nous avons actuellement cinq grands salons ouverts au public et Sollicitant ses suffrages : Cela ne suffit pas. Les expositions privées, les groupements, les réunions d’artistes se multiplient, Jusqu’au Grand Prix de juin, Sans doute. on saturera les indigènes et les étrangers de cette surproduction inégale et le plus souvent inutile.

Les pastels, aquarelles et dessins de Yves Alix ne manquént pas d’intentions heureuses que la Galerie Druet soutient par léxposition annuelle du troisième groupe, dont les metülleurs sont : Camoin, Charles L coste, Manguin et Albert Marquet, ème stème, galerie Bernheim (art contemporain) avec Tristän Kiingsor, le plus sensible de la compagnie, Balande, Déziré et Lucien Seevagen. Quant aux études et portraits de femmes qui honorent les organisateurs, retenons les pages de Carrière, Cézanne, Corot, Courbet, Degas, Delacroix, Manet, Millet, Gauguin, Monticelli. Berthe Morizôot. Puvis de Chavannes, Odilon Redon, Ricard, Renoir, Toulouse-Lautree, maijte incontestés. Exposition classique et belle sil en ut.

La Douce-Frañce, revue traditionalisie sans doute, a donñé, galerie Barbazanges sa deuxième exposition, fort remarquée de sculpture en taille directe, tapisserie et fresque. Quel. éclectisme au moins singulier ! A côté de Joseph Bernard, Costa, Abbal, Manolo, Pompon, maîtres incontestés, M. Ossip Zadkine semble être Se égaré… Parmi les peintres, Deltombe, Jeanes, Mailol.

Chez Georges Petit les derniers carrés de la saison : Pierre-André Chauveau, impressions et paysages vifs ot lumineux ; André Devambez, prestigieux évocateur, d’une verve éclatante ; Grosjean et P, Albert Laurens. Mans-Katz est un mouveau venu. Il a exposé galerie Percier des pointures et des dessins. Cet artiste est doué..Il n’a pas une vision exacte dés choses, Ses déformations, ses recherches — semblent paralyser ses efforis, Certains poriraits et quelques dessins révèlent cependant un tempérament. Mais pourquoi tant d’erreurs ?

Paul Signac aura dit pour l’art moderne, ce qu’il avait à dire, très personnel, très ’sincère, épris de lyrisme et de lumière et d’une discrétion que peu ont égalée. Les pavsages d’eau, les marines (Venise, Marseille, Saint-Tropez, Orient. La Rochelle, Bretagne) sont d’une exceptionnelle qualité, On peut discuter, sur la division des tons, on ne peut pas resier indifférent devant de telles œuvres (Bernheim jeune). Tunisie, Egypte, Algérie, Islande, tels sont les thèmes de Charles Cottet qui s’est ainsi magnifiquement renouvelé avec le souvenir expressif de s pèlerinages aux pays les plus divers et différents de ses modèles bretons préférés. Même richesse de couleur, même liberté de touche, même dessin solide, Charles Cottet est resté un beau peintre auquel on doit rendre hommage. Francis Ficabia, promené comme un veau à cinq pattes par les Dadas et les demi-fous, nous restitue enfin un art d’une.vibrante variété et qui n’a rien de commun avec les fantaisies et les excentricités dont le Salon des Indépendants fut le cadre. Ses portraits de femmes, ses têtes d’expression, ses Espagnoles, sont de la grande école et ses paysages ont une fraîcheur et une loyauté de couleur qui classent un tel peintre. Combien je regrette pour lui les mauvaises plaisanteries signées de son nom !  !., Au fait, c’était peut-être un homonvme 1 !

° J-F.-LOUIS MERLET,

  1. Fruit juteux et violet des Antilles de la grosseur d’une pomine verte,