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bat en laissant cette puissance infernale prendre possession de mon esprit.

Je me résolus, moi aussi, d’entrer dans la lutte sociale, et après avoir été longtemps dupe de la société et de ses préjugés, d’essayer de l’exploiter à mon tour, de vivre de la vie des autres, de devenir comme eux cupide, ambitieuse, impitoyable, de me faire comme eux le centre de toutes mes actions ; de n’être, pas plus qu’ils ne le sont eux-mêmes, arrêtée par aucun scrupule. Je suis au milieu d’une société en révolution, me dis-je ; voyons par quel moyen, je pourrais y jouer un rôle, quels sont les instruments dont il me serait possible de me servir.

À cette époque, sans croire au catholicisme je croyais à l’existence du mal ; je n’avais pas compris Dieu, sa toute-puissance, son amour infini pour les êtres qu’il crée ; mes yeux ne s’étaient pas encore ouverts. Je ne voyais pas que la souffrance et la jouissance sont deux modes d’existence inséparables de la vie ; que l’une amène l’autre inévitablement, et que c’est ainsi que tous les êtres progressent, que tous ont leurs phases de développement par les-