Page:Flora Tristan - Peregrinations d une paria, 1838, II.djvu/13

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Manuela, de même que mon oncle Pio, ne ressemble pas plus par les traits que par le caractère à aucun des membres de la famille. Elle porte le goût de la dépense jusqu’à la prodigalité. Le luxe, la recherche en toutes choses sont pour elle un besoin ; elle serait, en vérité, malheureuse si elle n’avait pas des chemises de batiste garnies de dentelles, des beaux bas de soie, des souliers en satin des mieux faits. Il n’est pas de petite-maîtresse de Paris qui use autant qu’elle d’odeurs, de pâtes, de pommades, de bains et de soins de toute espèce pour sa personne ; aux parfums qu’elle exhale, on se croirait environné de magnolia, de roses, d’héliotrope, de jasmin, et les fleurs aussi fraîches que belles qui constamment parent sa tête la feraient supposer vouée à leur culte. Sa maison est tenue avec beaucoup de luxe ; ses esclaves sont bien vêtus et ses enfants sont les mieux mis de la ville ; surtout sa petite fille qui est un amour, tant elle est gentille et bien pomponnée. Manuela n’a rien du sérieux espagnol, elle est d’une gaîté folle, étourdie, légère et d’un enfantillage dont la candeur contraste avec cette politique rampante et dissimulée de la société péruvienne. Elle recherche les amusements avec passion ;