Page:Flora Tristan - Peregrinations d une paria, 1838, II.djvu/201

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
197

terait à Cangallo jusqu’à ce que Gamarra lui eût envoyé des renforts du Cuzco. Le général partageait aussi l’opinion de la foule, et toujours préoccupé de l’arrivée d’Orbegoso, il s’impatientait de la lenteur de l’ennemi et ne prenait aucune disposition pour le recevoir ; le moine, dans sa feuille, entonnait déjà les chants de victoire ; les beaux-esprits d’Aréquipa faisaient des chansons en l’honneur de Nieto, Carillo, Morant, et des complaintes sur San-Roman, le tout d’un burlesque, d’un ridicule qui me rappelaient les chanteurs de rues de Paris après les journées de juillet.

Ce même mardi, jour de fête, on paya la troupe, et Nieto, pour se faire bien venir des soldats, leur donna permission de s’amuser, faveur dont ils usèrent largement. Ils allèrent dans les chicherias boire de la chicha, chantèrent à tue-tête les chansons dont je viens de parler, et passèrent toute la nuit dans l’ivresse et le désordre. Du reste, ils ne faisaient en cela que suivre l’exemple de leurs chefs qui, de leur côté, s’étaient réunis pour boire et jouer. On était tellement persuadé que San-Roman ne se hasarderait pas à avancer qu’il n’eut reçu des renforts, qu’on ne faisait aucun préparatif,