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lui fit perdre la tête. Quoique bon soldat, San-Roman n’était ni plus sage ni moins présomptueux que Nieto ; d’après les rapports de ses espions, il pensait marcher à une victoire aisée ; il croyait même la remporter sans combattre. Plusieurs de ses officiers m’ont dit qu’ils étaient tous tellement persuadés d’entrer le même soir à Aréquipa, qu’en partant le matin de Cangallo ils n’avaient songé qu’à leurs petits préparatifs de toilette, afin d’être, à l’arrivée, tout prêts à aller faire des visites aux dames. Les soldats, qui partageaient cette même confiance, avaient jeté le reste de leurs vivres, renversé les marmites, en criant : « Vive la soupe de la caserne d’Aréquipa ! » Cependant les dames ravanas, malgré tout le mouvement qu’elles se donnaient pour avoir l’air de faire la cuisine, n’avaient pas une tête de maïs à faire cuire, aucun aliment à offrir à leurs imprudents compagnons ; et, pour comble de calamité, l’armée se trouvait campée dans un lieu où elle ne pouvait se procurer une goutte d’eau. Quand San-Roman fut à même d’apprécier sa position, il ne sut que se désespérer et pleura comme un enfant, ainsi que nous l’avons appris depuis ; mais, heureusement, pour son parti, il avait auprès de lui trois