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mingo, elle était entièrement déserte ; je vis sur mon passage toutes les maisons soigneusement barricadées. La ville paraissait jouir d’un calme parfait ; mais le sang rougissait les pavés des rues ; et ces traces de meurtres, cette solitude disaient, d’une manière bien expressive, les calamités dont la cité venait d’être frappée et celles qu’elle redoutait.

Je contai, chez mon oncle, tout ce qu’Althaus et Emmanuel m’avaient appris. Toutes les personnes rassemblées dans la maison furent indignées contre le général ; mais aucune ne prit l’initiative d’une mesure quelconque.

A cinq heures, je montai encore sur le haut de la maison ; je ne vis qu’un immense nuage de poussière que laissaient après eux les dragons de Carillo, en fuyant à travers le désert. Ils se dirigeaient vers Islay, où ils savaient trouver deux navires pour se mettre hors d’atteinte des poursuites de San-Roman. Je restai longtemps assise à la même place que le matin. Comme cette ville avait changé d’aspect ! un silence de mort paraissait alors l’envelopper. Tous les habitants étaient en prières, comme résignés à se laisser massacrer sans opposer la moindre résistance.