Page:Flora Tristan - Peregrinations d une paria, 1838, II.djvu/267

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affecté par une autre impression ; il ne disait plus un mot, ne faisait pas un mouvement, tenait ses yeux continuellement fixés sur l’anneau qu’il avait au doigt ; et lui, ordinairement si gracieux, si prévenant, qui me recevait toujours avec les marques de l’amitié la plus affectueuse, ne bougea pas quand nous entrâmes dans son salon. Il n’eut même pas l’air de nous voir. Sa sœur s’approcha et lui dit : — C’est la señorita Florita qui désire vous faire ses adieux ; elle va revoir notre frère don Mariano, de Bordeaux : que voulez-vous qu’elle lui dise ? Il fit alors le mouvement d’un homme sortant d’un long sommeil, et dit bien bas, comme s’il eût eu peur d’être entendu : — Mon frère Mariano est heureux, on ne le tuera pas ; mais nous, on nous tuera, tuera, tuera !… A ces mots, la folie de Marequita se produisit en discours incohérents ; elle parlait, gesticulait, menaçait ; cela faisait mal. Don Juan, ayant conservé sa raison, se trouvait la tête forte de la famille. — Voyez, nous dit-il en pleurant, à quel état ils ont réduit mon pauvre frère ; sa gaîté, son amabilité ont disparu ; il est comme pétrifié par la douleur. Hélas ! je crains bien qu’il ne devienne entièrement imbécille… Chaque jour, son état