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que, dans tous les rôles, mademoiselle Aubé serait aussi sublime, exciterait les mêmes transports, ferait éprouver de semblables ravissements que dans la Vestale. Que d’envies un succès aussi éclatant n’avait pas soulevées ! que d’embûches préparées à la nouvelle reine ! Son nom est sur l’affiche ; la foule afflue au théâtre. Mademoiselle Aubé jouait dans un nouveau rôle ; elle paraît… Mais quelle soudaine métamorphose s’est opérée dans le public ; elle n’est accueillie que par les applaudissements de quelques amis ; dès la première scène, sa voix, son maintien, son jeu soulèvent des murmures ; elle chante son grand air, et la foule reste muette ; pas un battement de mains ne vient l’encourager ; elle entend même des observations malveillantes. La malheureuse rentre dans la coulisse ; la tête en feu, les artères gonflées, comme prêtes à se rompre. Sa bouche est sèche ; elle boit pour l’humecter, repasse son rôle qu’elle craint ne pas savoir assez ; le public l’attend ; il faut reparaître en scène : dans cette soirée, tout lui est fatal ; son costume ne lui sied pas ; il la fait paraître plus grande et plus maigre qu’elle ne l’est ; toutes les lorgnettes sont braquées sur elle ; ceux-mêmes qui, trois fois, l’a-