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négrillons meurent avant d’avoir atteint douze ans. Autrefois, j’avais quinze cents nègres ; je n’en ai plus que neuf cents, y compris ces chétifs enfants que vous voyez.

— Cette mortalité est effrayante et doit vous faire concevoir, en effet, les plus sinistres appréhensions pour votre établissement. D’où vient donc que l’équilibre ne se maintient pas entre les naissances et les morts ? Ce climat est sain, et j’aurais cru que les nègres s’y devaient porter aussi bien qu’en Afrique ?

— Le climat est très sain ; mais les négresses se font souvent avorter ; et les pères et mères ne prennent aucun soin de leurs enfants.

— Oh ! ils sont donc bien malheureux. L’espèce humaine s’accroît au milieu même des calamités : et vos nègres multiplieraient autant que les hommes libres, pour peu que leur existence fût tolérable, si chez eux le sentiment de la souffrance ne l’emportait pas sur les plus tendres affections de notre nature.

— Mademoiselle, vous ne connaissez pas les nègres ; c’est par paresse qu’ils laissent périr leurs enfants, et on ne peut, sans le fouet, rien obtenir d’eux.