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fable ii.

D’un morceau de terrain chaque ouvrier se charge ;
Courage, allons ! point de repos !
L’ouverture jamais ne peut être assez large.
Cela fut bientôt fait. Avant la nuit les eaux,
Tombant de tout leur poids sur leur digue affaiblie,
De partout roulent à grands flots.
Transports et compliments de la troupe ébahie,
Qui s’admire dans ses travaux.
Le lendemain matin ce ne fut pas de même ;
On voit flotter les blés sur un océan d’eau ;
Pour sortir du village il faut prendre un bateau ;
Tout est perdu, noyé. La douleur est extrême ;
On s’en prend aux vieillards. C’est vous, leur disait-on,
Qui nous coûtez notre moisson ;
Votre maudit conseil… Il était salutaire,
Répondit un d’entre eux ; mais ce qu’on vient de faire
Est fort loin du conseil comme de la raison.
Nous voulions un peu d’eau, vous nous lâchez la bonde ;
L’excès d’un très grand bien devient un mal très grand :
Le sage arrose doucement,
L’insensé tout de suite inonde.