Page:Florian - Fables, illustrations Adam, 1838.djvu/330

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
156
livre iv.

De nos vices ont bonne part ;
Mais je les trouve encor moins dangereux que l’homme :
Et, fripon pour fripon, je préfère un renard.
C’est ainsi que pensait un sage,
Un bon fermier de mon pays.
Depuis quatre-vingts ans, de tout le voisinage
On venait écouter et suivre ses avis.
Chaque mot qu’il disait était une sentence.
Son exemple surtout aidait son éloquence ;
Et, lorsque environné de ses quarante enfants,
Fils, petit-fils, brus, gendres, filles,
Il jugeait les procès ou réglait les familles,
Nul n’eût osé mentir devant ses cheveux blancs.
Je me souviens qu’un jour dans son champêtre asile
Il vint un savant de la ville
Qui dit au bon vieillard : Mon père, enseignez-moi
Dans quel auteur, dans quel ouvrage,
Vous apprîtes l’art d’être sage.
Chez quelle nation, à la cour de quel roi,
Avez-vous été, comme Ulysse,
Prendre des leçons de justice ?
Suivez-vous de Zenon la rigoureuse loi ?
Avez-vous embrassé la secte d’Épicure,
Celle de Pythagore, ou du divin Platon ?
De tous ces messieurs-là je ne sais pas le nom,
Répondit le vieillard ; mon livre est la nature,
Et mon unique précepteur,
C’est mon cœur.