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livre iv.

On mit moins de Romains à bas.
La nuit vient ; tant de sang n’a point éteint la rage
Du seigneur, qui remet au lendemain matin
La fin de l’horrible carnage.
Pendant ce temps notre lapin,
Tapi sous des roseaux auprès de la sarcelle,
Attendait, en tremblant, la mort,
Mais conjurait sa sœur de fuir à l’autre bord
Pour ne pas mourir devant elle.
Je ne te quitte point, lui répondait l’oiseau ;
Nous séparer serait la mort la plus cruelle.
Ah ! si tu pouvais passer l’eau !
Pourquoi pas ? attends-moi… La sarcelle le quitte,
Et revient traînant un vieux nid
Laissé par des canards ; elle l’emplit bien vite
De feuilles de roseau, les presse, les unit
Des pieds, du bec, en forme un batelet capable
De supporter un lourd fardeau ;
Puis elle attache à ce vaisseau
Un brin de jonc qui servira de câble.
Cela fait, et le bâtiment
Mis à l’eau, le lapin entre tout doucement
Dans le léger esquif, s’assied sur son derrière.
Tandis que devant lui la sarcelle nageant,
Tire le brin de jonc, et s’en va dirigeant
Cette nef à son cœur si chère.
On aborde, on débarque, et jugez du plaisir !
Non loin du port on va choisir