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livre v.

Chacun veut boire seul ; d’un œil plein de colère
L’un l’autre ils vont se mesurant,
Hérissent de leur cou l’ondoyante crinière ;
De leur terrible queue ils se frappent les flancs,
Et s’attaquent avec de tels rugissements
Qu’à ce bruit, dans le fond de leur sombre tanière,
Les tigres d’alentour vont se cacher tremblants.
Égaux en vigueur, en courage,
Ce combat fut plus long qu’aucun de ces combats
Qui d’Achille ou d’Hector signalèrent la rage ;
Car les dieux ne s’en mêlaient pas.
Après une heure ou deux d’efforts et de morsures,
Nos héros fatigués, déchirés, haletants,
S’arrêtèrent en même temps.
Couverts de sang et de blessures,
N’en pouvant plus, morts à demi,
Se traînant sur le sable, à la source ils vont boire ;
Mais pendant le combat la source avait tari.
Ils expirent auprès.

Vous lisez votre histoire,
Malheureux insensés, dont les divisions,
L’orgueil, les fureurs, la folie,
Consument en douleurs le moment de la vie :
Hommes, vous êtes ces lions ;
Vos jours, c’est l’eau qui s’est tarie.