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livre v.

À ce discours la tourterelle,
En se moquant, s’éloigna d’elle.
Sans se revoir elles furent dix ans.
Après ce long espace, un beau jour de printemps,
Dans la même forêt elles se rencontrèrent.
L’âge avait bien un peu dérangé leurs attraits ;
Longtemps elles se regardèrent
Avant que de pouvoir se remettre leurs traits.
Enfin la fauvette polie
S’avance la première : Eh ! bonjour, mon amie.
Comment vous portez-vous ? comment vont les amants ?
— Ah ! ne m’en parlez pas, ma chère,
J’ai tout perdu, plaisirs, amis, beaux ans :
Tout a passé comme une ombre légère.
J’ai cru que le bonheur était d’aimer, de plaire…
Ô souvenir cruel ! ô regrets superflus !
J’aime encore, on ne m’aime plus.
J’ai moins perdu que vous, répondit la chanteuse :
Cependant je suis vieille et je n’ai plus de voix ;
Mais j’aime la musique, et suis encore heureuse
Lorsque le rossignol fait retentir ces bois.
La beauté, ce présent céleste,
Ne peut, sans les talents, échapper à l’ennui ;
La beauté passe, un talent reste :
On en jouit même en autrui.