Page:Focillon - Vie des formes, 1934.djvu/20

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gie la recueillait comme un cadre commode, comme un procédé de classement. J’ai montré ailleurs ce qu’elle avait de dangereux par son caractère faussement harmonique, par son parcours unilinéaire, par l’emploi dans les cas douteux, où l’on voit l’avenir aux prises avec le passé, de l’expédient des « transitions », par l’incapacité de faire place à l’énergie révolutionnaire des inventeurs. Toute interprétation des mouvements des styles doit tenir compte de deux faits essentiels : plusieurs styles peuvent vivre simultanément, même dans des régions très rapprochées, même dans une région unique ; les styles ne se développent pas de la même manière dans les divers domaines techniques où ils s’exercent. Ces réserves faites, on peut considérer la vie d’un style soit comme une dialectique, soit comme un processus expérimental.

Rien n’est plus tentant — et rien, dans certains cas, n’est mieux fondé — que de montrer les formes soumises à une logique interne qui les organise. De même que, sous l’archet, le sable répandu sur une plaque vibrante se meut pour dessiner diverses figures qui s’accordent avec symétrie, de même un principe caché, plus fort et plus rigoureux que toute fantaisie inventive, appelle l’une à l’autre des formes qui s’engendrent par scissiparité, par déplacement de tonique, par correspondance. Il en est bien ainsi dans le règne étrange de l’ornement et dans tout art qui emprunte et soumet à l’ornement le schéma des images. C’est que l’essence de l’ornement est de se pouvoir réduire aux formes les plus pures de l’intelligibilité et que le raisonnement géométrique s’applique sans défaut à l’analyse du rapport des parties. C’est ainsi que M. Baltrušaitis a conduit ses remarquables études sur la dialectique ornementale de la sculpture romane. Dans un pareil domaine, il n’est pas abusif d’assimiler style et stylistique, c’est-à-dire de « rétablir » un procédé logique qui vit, avec une force et une rigueur surabondamment démontrées, à l’intérieur des styles, étant bien entendu que, dans l’ordre des