Page:Focillon - Vie des formes, 1934.djvu/61

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voulait-il indiquer par là une qualité absolue — l’absolu d’une mesure qui domine la matière et qui, même, la métamorphose, ou, plus simplement, la dure autorité d’une pensée indestructible. Mais le Parthénon est en marbre, et le fait importe extrêmement, si bien que les tambours de ciment, intercalés dans ses colonnes par une restauration respectueuse, ont pu sembler non moins cruels que des mutilations. N’est-il pas étrange qu’un volume puisse changer, selon qu’il prend corps dans le marbre, le bronze, le bois, selon qu’il est peint à la détrempe ou peint à l’huile, gravé au burin ou lithographié ? Ne risquons-nous pas de confondre des propriétés épidermiques et de surface, facilement altérées, avec d’autres, plus générales et plus constantes ? Non, car il est exact que les volumes, dans ces divers états, ne sont pas les mêmes, puisqu’ils dépendent de la lumière qui les modèle, qui met en évidence leur plein ou leur creux et qui fait de la surface l’expression d’une densité relative. Or la lumière même dépend de la matière qui la reçoit, sur laquelle elle glisse par coulées ou se pose avec fermeté, qu’elle pénètre plus ou moins, qui lui communique une qualité sèche ou une qualité grasse. Il est trop clair que, dans la peinture, l’interprétation de l’espace est fonction de la matière qui, tantôt la limite et tantôt l’illimite, mais, de plus, un volume n’est pas le même selon qu’il est peint en pleine pâte ou par des glacis sur des dessous.

Nous sommes ainsi conduits à rattacher à la notion de matière la notion de technique qui, à la vérité, ne s’en sépare point. Nous l’avons mise au centre de nos propres recherches, et jamais il ne nous a paru qu’elle leur imposât une restriction. Bien loin de là, elle était pour nous comme l’observatoire d’où la vue et l’étude pouvaient embrasser dans la même perspective le plus grand nombre d’objets et leur plus grande diversité. C’est qu’elle est susceptible de plusieurs acceptions : on peut la considérer comme une force vivante, ou bien comme une mécanique, ou encore comme un pur agrément. Elle n’était pour nous ni l’auto-