Page:Fons - Sully Prudhomme, 1907.djvu/23

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En 1875, pour la suprême fois, l’ineffable sensibilité sentimentale des Solitude s’épancha dans Les Vaines Tendresses : en une expression renouvelée, c’est la même angoisse et la même douceur d’aimer, un semblable élan jamais satisfait : et les pièces y sont très rares qui affectent quelque rhétorique. Oublions qu’on a trop déclamé Prière, Conseil, Au bord de l’eau, et laissons-les chuchoter en nous avec les strophes moins banalisées de Sur la Mort, Un Rendez-vous, L’Étoile au cœur, Évolution, L’Étranger, L’Alphabet, Sursum Corda, — Ce qui dure :

Le présent se t’ait vide et triste.
Ô mon amie, autour de nous ;
Combien peu du passé subsiste
Et ceux qui restent changent tous !

Nous ne voyons plus sans envie
Les yeux de vingt ans resplendir
Et combien sont déjà sans vie
Des yeux qui nous ont vu grandir.

Que de jeunesse emporte l’heure
Qui n’en rapporte jamais rien :
Pourtant quelque chose demeure,
Je t’aime avec mon cœur ancien,

Ce cœur où plus rien ne pénètre
D’où plus rien désormais ne sort.
Je t’aime avec ce que mon être
À de plus fort contre la mort ;